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Un article de L'Alsace sur l'association Kerna un Sohma : les semences de céréales et légumes en danger

Un article de L'Alsace sur l'association Kerna un Sohma : les semences de céréales et légumes en danger

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mer. 15 mai 2013

Association : Kerna ùn Sohma

Le stand de Kerna ùn Sohma à la Foire éco bio : les premiers maïs anciens seront bientôt semés en Alsace.

En moins de 50 ans, 60 % des semences cultivées sur la planète ont disparu. Supplantées par les semences hybrides F1 et OGM commercialisées par neuf multinationales qui contrôlent 90 % du marché mondial de la semence. « Une menace pour l’autonomie alimentaire des peuples, pour la souveraineté alimentaire des États » , avertissent les derniers petits producteurs de semences et les associations qui militent pour que soit préservé le droit de semer des semences de variétés anciennes et modernes libres de droits et reproductibles.

2 200 variétés potagères

Car les semences F1 ne sont pas reproductibles et les OGM sont brevetées : l’agriculteur qui en ressème s’expose à des poursuites juridiques. Conséquence : les paysans, qui avaient toujours ressemé leurs propres semences et les échangeaient avec d’autres, sont obligés de racheter chaque année un nouveau stock. Ils deviennent dépendants des firmes. Si par malheur ils n’ont plus de quoi payer leurs semences, ils ne peuvent plus cultiver, ni manger. Autre conséquence : la disparition des variétés peu productives, peu connues, mais adaptées à un terroir, à un climat, et résistantes au changement climatique.

Quelques visionnaires ont entrepris de collectionner les semences fermières et paysannes, et de les reproduire pour les sauver de l’extinction. Parmi eux, Dominique Guillet, le président de Kokopelli. Cette association maintient une collection de 2 200 variétés de semences potagères, céréalières, médicinales, condimentaires et ornementales. Elle en propose plusieurs centaines à la Foire éco bio. Des semences certifiées bio, de variétés anciennes ou modernes. Les jardiniers motivés peuvent aussi s’engager à « adopter » parmi quelques centaines de variétés en voie d’extinction des semences pour les reproduire dans leur jardin et les donner à des paysans de pays pauvres.« Le point de départ de mon assiette, c’est la semence » , souligne Jocelyn Moulin, trésorier de Kokopelli et infatigable militant de « la libération de la semence et de l’humus ». Puisque produire des semences ne s’improvise pas, Kokopelli diffuse un manuel de production de semences pour le jardin familial. Un ouvrage de 260 pages qui en est à sa 11e édition et qui fait référence. Poursuivie en justice par le semencier Baumaux, Kokopelli refuse de se plier aux procédures d’inscription au catalogue des semences : « Cela coûte jusqu’à 1 500 € pour une seule variété », dit Jocelyn Moulin en rébellion contre les législateurs français et européens qui « se laissent dicter les lois par les industriels ». Kokopelli ne veut plus négocier : « Ça ne mène à rien. Tout dans le vivant, tout dans les champs, rien dans les catalogues. Avec la participation des jardiniers et jardinières. »

Blés et maïs en Alsace

Autre association, autre méthode, pour poursuivre le même but : le Réseau semences paysannes, créé il y a 10 ans et qui fédère 69 organisations en France, dont l’association alsacienne Kerna ùn Sohma (graines et semences). « Nous ne voulons pas être dans l’illégalité, mais obtenir la protection des petits producteurs et ne pas être taxés quand on sème notre propre récolte » , dit Anne Wanner, animatrice de cette association créée il y a deux ans. Kerna ùn Sohma rassemble des jardiniers, meuniers, boulangers, consommateurs et, surtout, 35 agriculteurs qui conservent une centaine de variétés de blés comme le rouge d’Alsace et d’épeautres. Ils en multiplient une demi-douzaine. Certains commencent cette année à conserver des maïs population, variétés anciennes du Sud-Ouest : « La difficulté en Alsace, c’est de trouver des parcelles éloignées des cultures de maïs conventionnel pour éviter l’hybridation » , regrette Anne Wanner. Kerna ùn Sohma envisage d’ouvrir une Maison des semences, comme il en existe déjà plusieurs en France, pour y promouvoir la défense de la biodiversité cultivée et les savoir-faire, l’échange des pratiques paysannes de production et d’échange de semences et de plants. Pour que tous ceux qui le souhaitent puissent sortir de la dépendance de l’industrie agrochimique et agroalimentaire pour se nourrir.

Article d'Élisabeth Schulthess publié dans l'Alsace le 12 mai 2013.

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