Suite de la visite : Apicool et "La nature dans mon école"
Association : Apicool
Mardi 23 mai, nous continuons notre excursion en Lorraine. Deux jours et deux projets à visiter : "Sauvons nos coteaux" et maintenant "Apicool", à Thionville. Il fait toujours aussi chaud et nous sommes prêtes pour une immersion grandeur nature dans le monde de l'abeille. C’est Karine Devot, la fondatrice de l’association "Apicool" qui vient nous chercher à la gare et nous héberge pour la nuit. Cette jeune femme dynamique, pleine d’énergie et d’idées, voue une passion sans égale aux abeilles. Pleine d’entrain, elle nous entraîne dès les premières minutes dans l’histoire fabuleuse de l’abeille. Après avoir travaillé dans la banque au Luxembourg, elle a décidé de changer de voie pour la préservation de la nature il y a bientôt dix ans. Persuadée que l’apiculture est un des derniers bastions de la protection de la nature, elle a d’abord en tête de s’installer comme apicultrice. Puis, au fil de ses rencontres et de ses recherches, elle se rend compte que l’apiculture professionnelle peut s’avèrer tout aussi intensive que l’agriculture conventionnelle. Récolter du miel requiert souvent d’installer le plus grand nombre de ruches possible, de les traiter aux acaricides et de nourrir les abeilles au sirop de sucre. L’abeille noire, espèce locale en France a presque disparu au profit d’abeilles importées d’Italie et de l’abeille hybride Buckfast, plus productives. Les pesticides et les fongicides sont les premiers incriminés dans le dépérissement des colonies d’abeilles, mais pour Karine Devot, le problème est bien plus large. Les abeilles évoluent dans un « désert naturel » : la monoculture, les gazons et bords de route tondus, les prairies fauchées, l’artificialisation des sols contribuent à la fragilisation des abeilles domestiques comme sauvages qui ne trouvent plus de fleurs et donc plus de nectar pour se nourrir. La pression exercée par les ruches d’abeilles domestiques est forte et la concurrence rude pour les abeilles sociales et solitaires sauvages qui ne peuvent plus se nourrir face aux colonies d’abeilles mellifères. L’ensemble des abeilles, près de 950 espèces en France - le monde des abeilles ne se limite pas à l’abeille domestique Apis Mellifera -, se partage « un gâteau de plus en plus petit ».
Installer des ruches ne suffira pas à restaurer la présence de l’abeille. C’est en les connaissant mieux, dans leur diversité, et en prenant en compte les besoins propres aux différentes espèces, dans une approche intégrée, qui inclut leur milieu, qu’on parviendra à les préserver. C’est pour cette raison que Karine a centré son activité autour de l’éducation à la nature. Apprendre à connaître l’abeille, son habitat et son alimentation, se mettre dans la peau de l’animal, voir à travers ses yeux. Pour elle, c’est le seul moyen de comprendre les enjeux de l’apiculture actuelle et de la survie des abeilles. Dans cette optique, elle a écrit un livre sur les abeilles, « Le monde des abeilles à la sauce cool ». Ce cahier pédagogique, tout en couleurs, aux illustrations drôles et aux photos magnifiques nous révèle les secrets de cet univers mystérieux. C’est aussi dans cet objectif qu’elle a lancé, en 2011, le projet « La nature dans mon école ». Les enfants sont des acteurs et des ambassadeurs de la protection de la nature. C’est par une approche très pédagogique que Karine veut éveiller, chez des élèves de primaire et de maternelle, un amour pour l’environnement sauvage et surtout local. En étroite collaboration avec les écoles, les enseignants, la commune, les parents et des associations partenaires, elle amène la vie sauvage à l’intérieur des écoles. Elle crée donc, avec les enfants, des jardins à partir des matériaux de récupération glanés par les parents. Planter pour favoriser la biodiversité et pour « fournir le gîte et le couvert aux petites bêtes » : les abeilles, les papillons, les libellules, les hérissons, les lézards.
Durant une journée, Karine nous a emmenées dans quatre des six écoles participantes en 2016-2017 pour rencontrer les enfants et voir leurs jardins. C’est avec fierté et enthousiasme qu’ils nous ont présenté leurs plantations et la vie qui s’y est développée. L’abri à hérisson qui attend un locataire, l’hôtel à insectes pris d’assaut par les abeilles et les bacs à orties qui serviront bientôt de garde-manger pour les chenilles. Fait de pneus, de briques, de pierres, de branches, chacun des ces jardins est unique.
C’est ainsi que Karine voit le projet : s’adapter aux conditions de l’école et aux ressources disponibles. À long terme, l’objectif est que les écoles deviennent autonomes et qu’elles puissent faire vivre le jardin sans aide. L’arrosage pendant l’été, le désherbage, l’entretien des installations demandent de l’investissement de la part des enseignants et des parents, et parfois l’école ne donne pas suite, mais cette année est une réussite. « Je n’ai jamais eu autant de parents, ni aussi motivés. Nous avions plein de matériel et leur envie de faire était tellement grande, qu’ils laissaient à peine les enfants travailler », nous raconte Karine.
« La nature dans mon école » est un beau projet, qui fonctionne, mais Karine ne s’arrête pas là. Elle organise aussi des anniversaires et des sorties nature, des expositions et des conférences sur les abeilles, installe des ruchers-nichoirs à abeilles sauvages chez les particuliers et les accompagne dans une apiculture intégrée, et elle écrit des livres. Après « Le monde des abeilles à la sauce cool », elle travaille sur un livre pédagogique pour mieux connaître les guêpes et sur un nuancier de couleur des différentes pelotes de pollen récoltées par les abeilles. Elle aimerait aussi réaliser un film avec un drone, toujours à destination des adultes et des enfants, pour se mettre dans la peau d’une abeille et comprendre les difficultés que ces petites bêtes rencontrent pour survivre dans l’environnement actuel.
Notre visite se termine. Karine nous a fait voyager au pays des abeilles et nous repartons, l’œil à l’affût des butineuses sur les pelouses fleuries.